Une fois fécondé, c’est là que le mode de reproduction de l’espèce pose problème pour une adaptation efficace aux changements climatiques ; l’implantation de l’œuf fécondé est différée. C’est ce que l’on nomme la diapause embryonnaire ou encore l’ovo-implantation différée. L’œuf ne se développe qu’après 170 jours si bien que la gestation ne débute qu’en toute fin du mois de décembre ou au plus tard au cours des premiers jours de janvier. Elle dure plus ou moins 130 jours. Même si la période d’accouplement est relativement longue, la date moyenne de mise bas du chevreuil reste constante, avec une très forte synchronie des mises bas. Les suivis de populations de chevreuils sur les territoires de Chizé et de Trois-Fontaines ont montré que 80 % des naissances ont lieu en un peu plus de 2 semaines avec un point balance situé au 15 mai. Sur ce schéma, les naissances se produisent aujourd'hui deux semaines après l'apparition en forêt des jeunes pousses dont se nourrissent les chevreuils et dont dépendent particulièrement les femelles allaitantes. Ce déficit de ressources végétales riches en sucre rapide accroît la mortalité des faons, ce qui diminue le nombre de faons atteignant l'âge d'un an. Le mécanisme semble imparable… L’avancée progressive du printemps décale donc la période optimale pour la qualité des ressources par rapport à celle des naissances et place les chevrettes dans une situation de plus en plus défavorable. Les chevreuils ne réussissent pas à adapter leur mise bas en fonction du réchauffement climatique. En conséquence, la mortalité des faons augmente. Pourtant les espèces animales ont le plus souvent la capacité de s’adapter aux variations progressives de leur environnement. Elles peuvent, par exemple, modifier la phénologie2 de leur reproduction en fonction de la température pendant la gestation. C'est le cas du cerf élaphe, qui l’ajuste par un rut et des mises bas plus précoces, comme cela a été observé en Écosse, avec des naissances plus précoces de trois semaines en moyenne depuis trente ans. C’est un vrai problème d’avenir pour les chevreuils ; piloté par la photopériode, le cycle de reproduction de la chevrette ne peut s’adapter aux conditions environnementales.